Censure politique : le gouvernement britannique a surveillé les discours critiques pour les censurer

Le ministère de l’Education est l’un des 15 ministères à avoir surveillé l’activité sur les réseaux sociaux de ceux qui sont perçus comme des opposants. Photo : Hollie Adams/Getty Images

Des dossiers ont été constitués par 15 départements après avoir surveillé l’activité des réseaux sociaux afin de contrôler les personnes invitées à s’exprimer lors d’événements officiels.

Quinze départements gouvernementaux ont surveillé l’activité des réseaux sociaux de critiques potentielles, et compilé des « dossiers secrets » afin de les empêcher de s’exprimer lors d’événements publics, a révélé l’Observer.

Selon les directives publiées dans chaque ministère, y compris les ministères de la santé, de la culture, des médias et des sports, et de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales, il est conseillé aux fonctionnaires de vérifier les comptes Twitter, Facebook, Instagram et LinkedIn des experts. Il leur est également demandé d’effectuer des recherches sur Google concernant ces personnes, en utilisant des termes spécifiques tels que « critique du gouvernement ou du premier ministre. »

Ces directives visent à empêcher toute personne ayant critiqué le gouvernement au cours des trois à cinq dernières années de prendre la parole lors de conférences et d’autres événements organisés par le gouvernement.

En septembre, l’Observer a révélé comment trois experts en éducation de la petite enfance ont découvert que le ministère de l’éducation avait tenté d’annuler des invitations à prendre la parole lors d’événements financés par le gouvernement parce qu’ils avaient été jugés critiques à l’égard de la politique gouvernementale. Depuis, de nombreux autres experts en éducation et membres du personnel des écoles ont découvert que le ministère détenait des dossiers sur leurs messages critiques publiés sur les réseaux sociaux.

Cependant, il est désormais clair que cette pratique est répandue au sein du gouvernement et qu’elle vise probablement un grand nombre d’individus. Des experts en droits de l’homme du cabinet d’avocats Leigh Day ont découvert l’ampleur de cette surveillance et l’ont communiquée à l’Observer.

L’Observer a révélé en octobre que le ministère de l’éducation contrôlait les critiques de la politique gouvernementale. Photo : The Observer

Ces révélations seront extrêmement embarrassantes pour un parti conservateur qui prétend régulièrement défendre la liberté d’expression et qui a critiqué les universités pour avoir permis aux étudiants de « ne pas donner de tribune » à des experts avec lesquels ils n’étaient pas d’accord.

Tessa Gregory, associée du cabinet Leigh Day, qui a engagé une action en justice contre le gouvernement au nom d’au moins deux experts, a déclaré : « Il est probable qu’un grand nombre de personnes soient impactées, dont beaucoup ne savent pas que des fonctionnaires détiennent des dossiers secrets à leur sujet. De telles pratiques sont extrêmement dangereuses. »

Gregory maintient que ces contrôles cachés sont illégaux, contraires aux lois sur la protection des données et potentiellement en violation de la législation sur l’égalité et les droits de l’homme.

Dan Kaszeta, expert en armes chimiques, a été empêché en avril de prononcer un discours lors d’une conférence sur la défense au Royaume-Uni après que des fonctionnaires ont trouvé sur les réseaux sociaux des messages critiquant les ministres conservateurs et la politique d’immigration du gouvernement. Ce week-end, il a déclaré à l’Observer qu’il connaissait 12 autres personnes qui avaient découvert des preuves de l’existence d’une liste noire gouvernementale similaire, et que la plupart d’entre elles avaient peur de s’exprimer. Mais il a ajouté que beaucoup d’autres ignorent qu’ils sont épinglés par l’enquête secrète.

Il a déclaré : « L’ampleur de cette affaire est choquante et n’est probablement pas entièrement connue. J’ai eu la chance de recevoir des preuves claires et évidentes. C’est vraiment odieux. »

M. Kaszeta a engagé la société Leigh Day pour intenter un recours judiciaire contre le gouvernement, ce qui a entraîné la divulgation de preuves sur ses politiques de surveillance et, enfin, la confirmation, en août, que 15 ministères avaient retiré ces directives dans l’attente d’un examen par le Cabinet Office. Il a reçu des excuses publiques en juillet.

« Je n’ai pas de devoir d’impartialité et je ne devrais pas en avoir, a ajouté Kaszeta. Essayer de me soumettre au code de la fonction publique parce que j’allais simplement parler à un public composé d’une poignée de fonctionnaires est tout à fait injustifié. Je ne suis pas un trotskiste révolutionnaire. »

L’Observer a pris connaissance des détails des directives de contrôle utilisées dans plusieurs ministères.

Le Defra, le DCMS et le Department for Business and Trade ont tous déclaré qu’en plus des recherches sur les réseaux sociaux, les fonctionnaires devraient faire une recherche sur Google, et que les termes de recherche utilisés devaient inclure « critique du gouvernement ou du premier ministre. »

Le DCMS a recommandé de consulter « un minimum de cinq à dix pages de résultats » couvrant une période de trois à cinq ans. Il a explicitement demandé aux fonctionnaires de conserver un dossier sur l’individu, en précisant : « Veillez à enregistrer ces informations pour y faire référence ultérieurement. »

Le DfE disposait de directives spécifiques pour l’agrément des orateurs de ses stronger practice hubs, un réseau destiné au personnel des crèches dans toute l’Angleterre. Ces directives stipulent que si une personne a critiqué le DfE ou ses politiques en matière de petite enfance, « il est peu probable qu’il soit approprié d’inviter cette personne à prendre la parole. » Si une personne a commenté favorablement le message négatif de quelqu’un d’autre, il est également « inapproprié de lui donner la parole. »

Les directives ministérielles du ministère de l’éducation, consultées par l’Observer, recommandent d’effectuer une recherche Google sur les intervenants extérieurs proposés sur une période de cinq ans, ainsi que des vérifications sur les réseaux sociaux. Toutefois, en réponse à une demande d’information du groupe de campagne Privacy International l’année dernière, le ministère de l’éducation a déclaré à trois reprises « qu’il ne menait pas de surveillance, d’enquête ou de collecte de renseignements sur les membres du secteur public. »

Caroline Wilson Palow, directrice juridique de Privacy International, qui enquête depuis de nombreux mois sur la surveillance des réseaux sociaux par le gouvernement, a déclaré : « Si le gouvernement met sur liste noire des personnes qui utilisent leur droit à la liberté d’expression de manière tout à fait légitime, c’est très dangereux. »

Elle a ajouté : « Faire un effort concerté pour rechercher des informations négatives de cette manière est une surveillance orientée. »

Lord Wallace of Saltaire, membre du Parti libéral démocrate, qui a organisé un débat aux Lords sur le contrôle des réseaux sociaux par le gouvernement après l’inscription de Kaszeta sur la liste noire, a déclaré : « C’est une idée révoltante que seuls les gens qui sont d’accord avec vous devraient participer aux discussions politiques. »

Il a ajouté que le contrôle des experts était « le contraire de la diversité et de l’inclusion et une énorme perte de temps pour les fonctionnaires. »

Jonathan Wolff, professeur de valeurs et de politiques publiques à l’université d’Oxford, a déclaré : « C’est un signe de faiblesse que de refuser de relever le défi. Et refuser d’écouter les gens sur une question parce qu’ils vous ont critiqué sur une autre, c’est faire preuve d’encore plus de fragilité, ou de mesquinerie, ou les deux. »

Smita Jamdar, associée du cabinet d’avocats Shakespeare Martineau, qui conseille les universités sur la manière de ne pas se mettre à dos le nouveau « tsar de la liberté d’expression » de l’enseignement supérieur du gouvernement, a déclaré : « Il est effarant de constater qu’il y a deux poids, deux mesures. »

Un porte-parole du Cabinet Office a déclaré : « Comme le public s’y attend, les événements de la fonction publique doivent refléter l’impartialité de cette dernière. »

Il a ajouté : « Le gouvernement s’est engagé à protéger la liberté d’expression. Nous sommes en train d’en examiner les directives et nous les avons temporairement suspendues pour éviter toute mauvaise interprétation des règles. »

Source : The Guardian, Anna Fazackerley, 18-11-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

LES CRISES est un média spécialisé dans l’information financière et la propagande de guerre. De part les sujets traités, le gouvernement et ses oligarques ont déclaré une véritable guerre de dénigrement à l’encontre de cette rédaction.


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