
Selon la coutume instituée par Thierry Breton : les discours haineux seraient intolérables et préjudiciables à la démocratie. Alors, exerçons-nous et offrons un discours de haine que j’invite chacun à critiquer pour m’expliquer en quoi la haine serait interdite et devrait être réprimée par les docteurs Folamours de la censure ; lire leurs objections sera sans le moindre doute un immense régal.
À tout seigneur tout honneur, monsieur Breton mérite la première fournée de ce discours de haine. Alors bien sûr, impossible pour ma petite personne de prétendre aux titres suffisants pour haïr l’individu en raison de ses performances comme patron d’entreprise. Soulignons, tout de même, la riche carrière du triste sire : vice-président de Bull (1996-1997), président-directeur général de Thomson (1997-2002) puis de France Télécom (2002-2005), puis président-directeur général du groupe Atos (2009-2019).
Passons sur Bull, reprise plus tard par Atos, monsieur Breton fut là au moment de la privatisation, mais l’œuvre souffre de la comparaison avec ses autres brillantes réalisations. Son travail chez Thomson sera fidèle à la méthode Breton : Rachats, sans synergies, donc sans autre justification stratégique que de faire rêver l’actionnaire. Notre adepte du peace and love semble doué pour la communication, mais peut-être moins pour la direction stratégique. Soyons cléments au sujet de France Télécom, société déjà dans la tourmente avant l’arrivée de monsieur Breton, on notera juste le procédé un peu cavalier de lâcher une entreprise en difficultés après avoir décidé un plan d’économie de 15 mds. Monsieur Breton se préoccupe davantage de sa carrière que de ses salariés, s’en étonnera-t-on encore ? Ce plan, mis en œuvre par son successeur, conduira à la crise des suicides chez France Télécom. L’insensibilité de ces dirigeants ne semble pourtant pas classifiée discours de haine.
Quant à parler d’Atos, devons-nous retourner la hache à double face dans la plaie purulente ? La politique de Thierry Breton est souvent accusée d’être à l’origine du désastre.
Alors, posons-nous la question : les salariés de ces entreprises qui peuvent établir sans trop de peine un lien entre les primes touchées par Monsieur Breton et la dégradation de leurs conditions de travail ou carrément de plans de restructuration ont-ils ou non le droit à la haine ?
Peuvent-ils dire :
Jusqu’à quand, Thierry Breton, abuseras-tu de notre patience ?
Ou bien même là, serait-ce trop pour la bienveillance de monsieur Breton, occupé à veiller sur notre bienséance démocratique ? Il est vrai qu’il est à peine juge et partie.
Finalement, constatons-le, Monsieur Breton a peut-être d’excellentes raisons de nous protéger des discours de haine, il risquerait d’en profiter.
Après tout, l’individu s’efforce d’être emblématique, jusqu’à la caricature de ce livre de Christopher Lasch sur la révolte des élites. Ces gens imbus d’eux-mêmes, toujours prêts à s’accorder un nouvel avantage et plaider pour la responsabilité des pauvres ou des classes moyennes, invitées à se montrer « responsables » en se sacrifiant. Comportements certes anciens, puisque Jean Ferrat chantait :
On m’a dit qu’il fallait prêcher le sacrifice.
À ceux qui n’ont pas pu s’ouvrir un compte en Suisse.
Qu’il fallait balayer tous nos vieux préjugés.
Et que ceux qui travaillent étaient privilégiés.
Dans sa chanson la porte à droite1 en 1985. Il observait les comportements de son temps, pas si différents de ceux d’aujourd’hui, mais, à l’époque, les Trente Glorieuses étaient encore dans toutes les mémoires. Privilèges et avantages étaient davantage acceptés, car toute la société s’était développée. Aujourd’hui, cinquante ans de désastres économiques, de fausse croissance, nourrie par les réévaluations bilancielles sans réelle amélioration des conditions de vie de la population et le chômage ont cumulé leurs ravages. Monsieur Breton a donc raison d’interdire les discours de haine, il risquerait d’en être le bénéficiaire ! Pourtant, quel sentiment éprouver envers une caste qui continue à bien vivre dans cette bauge ?
(Juste un mauvais doute d’un esprit complotiste et bien évidemment malade : La popularité de Vladimir Poutine pourrait-elle avoir un lien avec le développement économique de la Russie durant les différents mandats de ce dirigeant ? Non, j’imagine que c’est l’effet de la seule terreur !)
Oserait-on rappeler la certaine abondance évoquée il y a moins de deux ans par notre président ? Pour eux, pas pour les Français du quotidien. Les gilets jaunes, cette dame qui avait interpellé le président, car malgré son travail, elle ne parvenait pas à joindre les deux bouts, ont dû apprécier ! Il est vrai que ni la dame, ni le sort de ses enfants n’avaient ému E.Macron ferme envers les pauvres ! Avant d’interdire les discours de haine, peut-être auriez-vous pu interdire les discours de mépris ?
Monsieur Breton, votre interdiction des discours de haine ne reviendrait-elle pas à briser le thermomètre pour ne pas entendre les légitimes protestations de la population ? Votre DSA ne serait-il pas un lamentable replâtrage face à la légitime colère populaire ?
Maintenant, j’invite ceux ayant envie de croiser le fer à venir défendre l’interdiction des discours de haine. Venez rationaliser et nous expliquer que non, nos protestations ne sont pas fondées !
Maintenant, permettez-moi d’aborder la seconde partie du raisonnement : La complicité que nos dirigeants nous ont imposée. Rappelons que l’article 421-2-2 du Code pénal sanctionne le financement du terrorisme. Bien, alors comment nommer le financement du régime banderiste ? Les livraisons d’obus à une force de combat qui avait montré sa volonté d’appliquer à la lettre le discours de monsieur Porochencko2 : « Leurs enfants vivront dans les caves ! » Mission accomplie avec empressement par les bataillons dits de représailles et l’allée des anges fut ouverte dès 20153 à Donetsk. Mais j’imagine que la sculpture commémorative représentant Kirill Sidoryuk (29 septembre 2001 – 29 août 2014), enfant du Donbass mort alors qu’il protégeait sa sœur des bombardements avec son corps, n’évoque rien pour la caste au pouvoir dans notre pays ! Nous avons aussi soutenu et cautionné cela avec l’argent de nos impôts très libéralement accordé par le gouvernement français à l’armée coupable de ces feux !
Pouvons-nous haïr ceux qui nous ont associés à ces crimes ? Ou bien notre légitime dégoût perturbera-t-il la digestion de Monsieur Breton ?
Nous avons, il est vrai, l’habitude ! Nous avons aussi payé le salaire de l’individu qui es qualité de ministre des Affaires étrangères avait déclaré qu’Al Nostra faisait du bon travail4. En effet, les gamines yézidies ont dû apprécier, grâce à ces gens, elles se sont vu dispenser des cours d’éducation sexuelle, dont même l’éducation nationale française ne parvient pas à offrir l’équivalent. Là, le doute plane, la France a-t-elle financé ? Par exemple, via l’aide humanitaire dans les régions Nord-Ouest et du Nord-Est5. Drôle de constatation pourtant : ces régions me semblaient être restées pendant longtemps des bastions djihadistes et la carte semblait montrer la zone de départ de l’offensive contre Damas aussi située dans le nord-ouest. Sûrement une coïncidence, sinon, le paiement de mes impôts ferait de moi le complice d’une entreprise terroriste ! Vous me direz, si un jour nous sommes appelés à répondre de ce crime dans un tribunal de Nuremberg de notre temps, nous pourrons toujours faire une Jawad : J’savais pas, j’le jure, je voulais juste aider… Dommage que la diplomatie française héritière de Talleyrand se retrouve rabaissée à un tel niveau.
Est-ce là suffisant pour justifier la haine ? De rêver de livrer nos dirigeants à la CPI en raison des crimes dont ils nous souillent et dont nous sommes coupables rien qu’en payant des impôts ?
Peut-être insuffisant pour monsieur Breton, alors, comme il ne connaît peut-être pas messieurs Fabius, Hollande ou Macron, essayons monsieur Sarkozy.
Vous rappelez-vous ?6 En 2011, portée par le droit humanitaire et une résolution de l’ONU vouée à être violée comme une gamine yézidie, l’aviation française s’envolait, les ailes vengeuses et remplies de bombes ou missiles, pour enseigner la démocratie à monsieur Kadafi. L’individu faisait certes de la prose en le sachant dans ses discours où il se déclarait prêt à faire couler des rivières de sang. Seulement, la réalité opérationnelle le démontre, il était loin d’avoir mis ses propos à exécution et nos dirigeants devaient le savoir grâce aux satellites dont nous avons payé le déploiement. Qu’importe, la France renversera le gouvernement avec ses armes et même E.Macron finira par reconnaître que nous avons une dette envers la Libye pour une décennie de chaos.
Que notre président l’exprime bien ! Il est après tout, spécialiste es repentance pour la France et les Français dont il nous accorde, fort généreusement, la honte, mais avons-nous, nous, individus, des raisons d’endosser cette dette ? Oui, car en vertu de la loi sur le financement du terrorisme, nous avons payé les forces militaires coupables de ce crime !
Les suites ? Nous les connaissons tous, une guerre menée pour d’inavouables raisons7 a conduit à une catastrophe humanitaire.8
Est-ce là encore suffisant, ou devons-nous, une fois de plus, exprimer notre réprobation avec la consistance d’une guimauve ? Du type pas bien, au lieu du sentiment brûlant et impitoyable que nous devrions ressentir ? Personnellement, je m’y refuse et rappelle que Pierre Laval et consorts firent connaissance avec la haute cour de justice pour leur relation avec l’Allemagne. Sa réunion serait-elle aujourd’hui moins légitime pour les crimes commis à l’étranger à l’instigation de nos politiques serviles larbins des néo-conservateurs ?
Alors voilà, je viens de vous donner un discours de haine, (Surtout l’idée de laisser un jury de citoyens français juger de la culpabilité, ceux-ci risqueraient de se montrer moins complaisants que des journalistes !) celui parfaitement capable de justifier que comme contribuables (Je n’ose utiliser un terme plus politique tant notre système a été verrouillé) français nous n’ayons plus aucune loyauté pour cette catégorie étroite qui a détruit la réputation morale de la France par ses actes.
Le cache-sexe de la protection de la démocratie est certes bien commode pour couvrir la mort et la destruction semées à travers le monde et dont le peuple de France se voit bien vite attribuer la responsabilité (Cf. les propos d’E.Macron sur la Libye, là, curieusement, il n’y a plus de Sarkozy ! Nous recevons tous notre part, distribuée avec générosité dans un tel cas.)
Maintenant, chers opposants, vous avez la parole, venez prétendre cette haine injustifiée !
- Retrouvez les Paroles de la chanson de Jean Ferrat ↩︎
- « Leurs enfants se terreront dans des caves » : Porochenko, une certaine idée de l’Humanisme ↩︎
- L’Allée des Anges ↩︎
- Enquête : Retour sur le « bon boulot d’Al-Nosra » en Syrie ↩︎
- Syrie : comprendre la position de la France – Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ↩︎
- QATAR / FRANCE : 300 MILLIONS POUR UNE GUERRE EN LIBYE ↩︎
- Intervention militaire de 2011 en Libye — Wikipédia ↩︎
- Libye : des enquêteurs de l’ONU dénoncent l’esclavage sexuel dans les centres de détention | ONU Info ↩︎
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