
Le rapport appelle les banques à tenir leurs promesses en matiÚre de climat et à cesser de financer les combustibles fossiles et la déforestation.
Depuis que la communautĂ© internationale a promis de limiter le rĂ©chauffement de la planĂšte Ă 1,5 °C par rapport aux niveaux prĂ©industriels, les grandes banques mondiales ont canalisĂ© vingt fois plus dâargent vers les industries polluantes du Sud que les gouvernements du Nord nâen ont donnĂ© Ă ces mĂȘmes pays pour faire face Ă lâurgence climatique.
Ce nâest lĂ quâune des conclusions de lâĂ©tude How the Finance Flows : The Banks Fueling the Climta Crisis [Comment la finance se rĂ©pand : quand les banques alimentent la crise climatique, NdT], un rapport dâActionAid publiĂ© lundi.
« Ce rapport dĂ©signe les plus grands dĂ©linquants du monde bancaire et leur demande de prendre conscience quâils sont en train de dĂ©truire la planĂšte, tout en nuisant au prĂ©sent et Ă lâavenir de leurs enfants », Ă©crit Vanessa Nakate, militante ougandaise pour le climat, dans lâavant-propos du rapport. « Il est temps de demander des comptes aux institutions financiĂšres et dâexiger quâelles cessent de financer des activitĂ©s destructrices. »
Le rapport se concentre sur le financement de deux grandes industries de rĂ©chauffement climatique dans les 134 pays du Sud : les combustibles fossiles et lâagriculture industrielle.
« Les gens savent gĂ©nĂ©ralement que les combustibles fossiles sont la premiĂšre cause dâĂ©missions de gaz Ă effet de serre. Mais ce que lâon comprend moins, câest que lâagriculture industrielle est en fait la deuxiĂšme cause dâĂ©missions de gaz Ă effet de serre », a dĂ©clarĂ© Teresa Anderson, responsable mondiale de la justice climatique Ă ActionAid International, lors dâune confĂ©rence de presse prĂ©cĂ©dant la publication du rapport.
Cela sâexplique par le lien entre le secteur et la dĂ©forestation, ainsi que par les Ă©missions nĂ©cessaires Ă la production dâengrais industriels, a-t-elle ajoutĂ©.
Au total, depuis lâaccord de Paris de 2015, les banques ont financĂ© les plus grandes entreprises de Big Ag [Agriculture industrielle, NdT] faisant des affaires dans le Sud globalisĂ© Ă hauteur de 370 milliards de dollars et les secteurs du pĂ©trole, du gaz et du charbon Ă hauteur de 3,2 milliards de dollars.
Les trois banques qui ont le plus investi dans ces secteurs sont la Banque industrielle et commerciale de Chine (154,3 milliards de dollars), la China CITIC Bank (134,7 milliards de dollars) et la Banque de Chine (125,9 milliards de dollars). Citigroup arrive en quatriĂšme position avec 104,5 milliards de dollars, suivi de HSBC avec 80,8 milliards de dollars.
Bien que la Chine figure en bonne place dans le rapport en tant que premiĂšre Ă©conomie mondiale, Anderson a fait remarquer quâune grande partie de ce quâelle produit finit par ĂȘtre achetĂ© par des consommateurs du Nord.
Les trois principales banques des AmĂ©riques qui financent lâagriculture et les combustibles fossiles sont Citigroup, JPMorgan Chase et Bank of America. Alors que Citigroup Ă©tait le principal bailleur de fonds rĂ©gional pour les combustibles fossiles, JP Morgan Chase a donnĂ© le plus Ă lâagriculture industrielle.
En Europe, les principaux bailleurs de fonds aprÚs HSBC étaient BNP Paribas, Société Générale et Barclays, tandis que Mitsubishi UFJ Financial complétait la liste des principaux bailleurs de fonds asiatiques.
OĂč va tout cet argent ? En ce qui concerne lâagriculture, le principal bĂ©nĂ©ficiaire est Bayer, qui a rachetĂ© Monsanto en 2018. Les banques lui ont accordĂ© 20,6 milliards de dollars pour faire des affaires dans les pays du Sud depuis 2016.
Une grande partie de lâargent des combustibles fossiles est allĂ©e Ă la State Power Investment Corporation de Chine et Ă dâautres entreprises chinoises, au nĂ©gociant en matiĂšres premiĂšres Trafigura et aux suspects habituels des combustibles fossiles tels quâExxonMobil, BP, Shell, Saudi Aramco et Petrobras.
« Câest absurde », a dĂ©clarĂ© Anderson Ă propos de ces rĂ©sultats. « Les banques mondiales dĂ©clarent souvent publiquement quâelles sâattaquent au changement climatique, mais lâampleur de leur soutien continu aux combustibles fossiles et Ă lâagriculture industrielle est tout simplement stupĂ©fiante. »
ActionAid a qualifiĂ© le rapport de document « phare » de sa campagne « Fund Our Future » [Finançons notre futur, NdT] visant Ă rĂ©orienter lâargent mondial des causes de la crise climatique vers des solutions climatiques. Le rapport appelle les banques Ă tenir leurs promesses en matiĂšre de climat et Ă cesser de financer les combustibles fossiles et la dĂ©forestation, ainsi quâĂ mettre en place des garanties supplĂ©mentaires pour protĂ©ger les droits des communautĂ©s locales, Ă rehausser lâambition de leurs objectifs en vue dâatteindre des Ă©missions « rĂ©ellement nulles », et Ă amĂ©liorer la transparence et dâautres mesures pour sâassurer que les projets quâelles financent se comportent dâune maniĂšre Ă©thique.
« Il est possible de mettre un terme Ă cette situation », a dĂ©clarĂ© Farah Kabir, directeur national dâActionAid Bangladesh, lors de la confĂ©rence de presse. « Les banques ne peuvent pas continuer Ă financer les industries des combustibles fossiles et lâagriculture industrielle. »
En outre, le rapport propose des recommandations aux gouvernements des pays du Nord afin dâassurer une transition juste vers un avenir durable pour tous. Il sâagit notamment de mettre en place des rĂ©glementations plus strictes pour les secteurs bancaire, agricole et des combustibles fossiles, ainsi que de mettre fin aux subventions publiques accordĂ©es Ă ces secteurs et de canaliser lâargent vers des solutions positives telles que les Ă©nergies renouvelables et lâagroĂ©cologie.
Toutefois, la forme que prennent les fonds lorsquâils sont envoyĂ©s au Sud fait une grande diffĂ©rence, a dĂ©clarĂ© Niranjali Amerasinghe, directeur exĂ©cutif dâActionAid USA. Au lieu de prendre la forme de prĂȘts privĂ©s, les fonds doivent ĂȘtre versĂ©s sous la forme dâargent public.
« Ce nâest pas en accordant davantage de prĂȘts Ă des pays dĂ©jĂ fortement endettĂ©s que lâon favorisera leur transition vers un avenir compatible avec le climat », a-t-elle dĂ©clarĂ©.
Lâune des raisons pour lesquelles les prĂȘts sont contre-productifs est que les nations qui les acceptent sont obligĂ©es de fournir un retour sur investissement, et actuellement les principales industries qui offrent ce retour sont en fait les combustibles fossiles et lâagriculture industrielle.
Outre les fonds publics, lâannulation ou la restructuration de la dette et de nouvelles taxes pourraient Ă©galement aider ces pays dans leur transition Ă©cologique. Si des entreprises comme Exxon ou Bayer qui font des affaires dans les pays du Sud « Ă©taient taxĂ©es de maniĂšre Ă©quitable, cela permettrait Ă ces gouvernements de gĂ©nĂ©rer des recettes publiques qui pourraient ĂȘtre utilisĂ©es pour soutenir lâaction climatique », a dĂ©clarĂ© Amerasinghe.
Le rapport souligne notamment que lâagroĂ©cologie est une solution climatique qui devrait ĂȘtre financĂ©e dans les pays du Sud.
Mary Sakala, une petite agricultrice zambienne en premiÚre ligne, a expliqué lors de la conférence de presse comment la crise climatique et la politique agricole actuelle pÚsent sur sa communauté.
« Le changement climatique est une rĂ©alitĂ© en Zambie, a-t-elle dĂ©clarĂ©, ajoutant quâil avait entraĂźnĂ© des inondations, des sĂ©cheresses, des parasites et des maladies qui font que les familles, Ă lâheure oĂč je vous parle, dorment lâestomac vide. »
Mme Sakala voit un espoir dans lâagroĂ©cologie, qui contribuerait Ă la sĂ©curitĂ© alimentaire et Ă la rĂ©silience, et rendrait les agriculteurs moins dĂ©pendants du gouvernement et des grandes entreprises.
« Nous avons besoin de politiques qui nous permettent de conserver notre environnement dâune maniĂšre culturelle, pour nous aider Ă produire notre nourriture », a dĂ©clarĂ© Sakala. « Nous voulons que chaque graine soit utilisĂ©e, conservĂ©e et partagĂ©e dans un esprit de solidaritĂ©. »
Selon elle, les entreprises et les gouvernements du Nord ont le devoir de les aider Ă atteindre cet objectif.
« Ceux qui continuent Ă polluer et Ă laisser le changement climatique sâaccentuer doivent nous payer, car nous souffrons de ce que font les autres », a-t-elle dĂ©clarĂ©.
Cet article a Ă©tĂ© reproduit par Truthout avec autorisation ou licence. Il ne peut ĂȘtre reproduit sous quelque forme que ce soit sans lâautorisation ou la licence de la source.
Olivia Rosane
Olivia Rosane est une Ă©crivaine et une militante qui vit Ă New York. En plus dâavoir couvert Occupy Wall Street pour YES ! lâautomne dernier, elle a Ă©crit pour le blog de Dissent et The State. Suivez-la sur Twitter @orosane.
Source : Truthout, Olivia Rosane, Common Dreams, 04-09-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

LES CRISES est un mĂ©dia spĂ©cialisĂ© dans l’information financiĂšre et la propagande de guerre. De part les sujets traitĂ©s, le gouvernement et ses oligarques ont dĂ©clarĂ© une vĂ©ritable guerre de dĂ©nigrement Ă l’encontre de cette rĂ©daction.
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Publié le 19 Octobre Avril 2023 : https://www.les-crises.fr/les-grandes-banques-financent-le-chaos-climatique-dans-les-pays-du-sud/
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