Les grandes banques financent le chaos climatique dans les pays du Sud

Des banquiers de la Citibank quittent le siĂšge de l’entreprise aprĂšs le travail, un jour oĂč des militants Ă©cologistes organisent un rassemblement devant le bĂątiment pour exiger que la banque cesse d’investir dans les combustibles fossiles, le 24 avril 2023, Ă  New York City, New York. ANDREW LICHTENSTEIN / CORBIS VIA GETTY IMAGES

Le rapport appelle les banques à tenir leurs promesses en matiÚre de climat et à cesser de financer les combustibles fossiles et la déforestation.

Depuis que la communautĂ© internationale a promis de limiter le rĂ©chauffement de la planĂšte Ă  1,5 °C par rapport aux niveaux prĂ©industriels, les grandes banques mondiales ont canalisĂ© vingt fois plus d’argent vers les industries polluantes du Sud que les gouvernements du Nord n’en ont donnĂ© Ă  ces mĂȘmes pays pour faire face Ă  l’urgence climatique.

Ce n’est lĂ  qu’une des conclusions de l’étude How the Finance Flows : The Banks Fueling the Climta Crisis [Comment la finance se rĂ©pand : quand les banques alimentent la crise climatique, NdT], un rapport d’ActionAid publiĂ© lundi.

« Ce rapport dĂ©signe les plus grands dĂ©linquants du monde bancaire et leur demande de prendre conscience qu’ils sont en train de dĂ©truire la planĂšte, tout en nuisant au prĂ©sent et Ă  l’avenir de leurs enfants », Ă©crit Vanessa Nakate, militante ougandaise pour le climat, dans l’avant-propos du rapport. « Il est temps de demander des comptes aux institutions financiĂšres et d’exiger qu’elles cessent de financer des activitĂ©s destructrices. »

Le rapport se concentre sur le financement de deux grandes industries de rĂ©chauffement climatique dans les 134 pays du Sud : les combustibles fossiles et l’agriculture industrielle.

« Les gens savent gĂ©nĂ©ralement que les combustibles fossiles sont la premiĂšre cause d’émissions de gaz Ă  effet de serre. Mais ce que l’on comprend moins, c’est que l’agriculture industrielle est en fait la deuxiĂšme cause d’émissions de gaz Ă  effet de serre », a dĂ©clarĂ© Teresa Anderson, responsable mondiale de la justice climatique Ă  ActionAid International, lors d’une confĂ©rence de presse prĂ©cĂ©dant la publication du rapport.

Cela s’explique par le lien entre le secteur et la dĂ©forestation, ainsi que par les Ă©missions nĂ©cessaires Ă  la production d’engrais industriels, a-t-elle ajoutĂ©.

Au total, depuis l’accord de Paris de 2015, les banques ont financĂ© les plus grandes entreprises de Big Ag [Agriculture industrielle, NdT] faisant des affaires dans le Sud globalisĂ© Ă  hauteur de 370 milliards de dollars et les secteurs du pĂ©trole, du gaz et du charbon Ă  hauteur de 3,2 milliards de dollars.

Les trois banques qui ont le plus investi dans ces secteurs sont la Banque industrielle et commerciale de Chine (154,3 milliards de dollars), la China CITIC Bank (134,7 milliards de dollars) et la Banque de Chine (125,9 milliards de dollars). Citigroup arrive en quatriĂšme position avec 104,5 milliards de dollars, suivi de HSBC avec 80,8 milliards de dollars.

Bien que la Chine figure en bonne place dans le rapport en tant que premiĂšre Ă©conomie mondiale, Anderson a fait remarquer qu’une grande partie de ce qu’elle produit finit par ĂȘtre achetĂ© par des consommateurs du Nord.

Les trois principales banques des AmĂ©riques qui financent l’agriculture et les combustibles fossiles sont Citigroup, JPMorgan Chase et Bank of America. Alors que Citigroup Ă©tait le principal bailleur de fonds rĂ©gional pour les combustibles fossiles, JP Morgan Chase a donnĂ© le plus Ă  l’agriculture industrielle.

En Europe, les principaux bailleurs de fonds aprÚs HSBC étaient BNP Paribas, Société Générale et Barclays, tandis que Mitsubishi UFJ Financial complétait la liste des principaux bailleurs de fonds asiatiques.

OĂč va tout cet argent ? En ce qui concerne l’agriculture, le principal bĂ©nĂ©ficiaire est Bayer, qui a rachetĂ© Monsanto en 2018. Les banques lui ont accordĂ© 20,6 milliards de dollars pour faire des affaires dans les pays du Sud depuis 2016.

Une grande partie de l’argent des combustibles fossiles est allĂ©e Ă  la State Power Investment Corporation de Chine et Ă  d’autres entreprises chinoises, au nĂ©gociant en matiĂšres premiĂšres Trafigura et aux suspects habituels des combustibles fossiles tels qu’ExxonMobil, BP, Shell, Saudi Aramco et Petrobras.

« C’est absurde », a dĂ©clarĂ© Anderson Ă  propos de ces rĂ©sultats. « Les banques mondiales dĂ©clarent souvent publiquement qu’elles s’attaquent au changement climatique, mais l’ampleur de leur soutien continu aux combustibles fossiles et Ă  l’agriculture industrielle est tout simplement stupĂ©fiante. »

ActionAid a qualifiĂ© le rapport de document « phare » de sa campagne « Fund Our Future » [Finançons notre futur, NdT] visant Ă  rĂ©orienter l’argent mondial des causes de la crise climatique vers des solutions climatiques. Le rapport appelle les banques Ă  tenir leurs promesses en matiĂšre de climat et Ă  cesser de financer les combustibles fossiles et la dĂ©forestation, ainsi qu’à mettre en place des garanties supplĂ©mentaires pour protĂ©ger les droits des communautĂ©s locales, Ă  rehausser l’ambition de leurs objectifs en vue d’atteindre des Ă©missions « rĂ©ellement nulles », et Ă  amĂ©liorer la transparence et d’autres mesures pour s’assurer que les projets qu’elles financent se comportent d’une maniĂšre Ă©thique.

« Il est possible de mettre un terme Ă  cette situation », a dĂ©clarĂ© Farah Kabir, directeur national d’ActionAid Bangladesh, lors de la confĂ©rence de presse. « Les banques ne peuvent pas continuer Ă  financer les industries des combustibles fossiles et l’agriculture industrielle. »

En outre, le rapport propose des recommandations aux gouvernements des pays du Nord afin d’assurer une transition juste vers un avenir durable pour tous. Il s’agit notamment de mettre en place des rĂ©glementations plus strictes pour les secteurs bancaire, agricole et des combustibles fossiles, ainsi que de mettre fin aux subventions publiques accordĂ©es Ă  ces secteurs et de canaliser l’argent vers des solutions positives telles que les Ă©nergies renouvelables et l’agroĂ©cologie.

Toutefois, la forme que prennent les fonds lorsqu’ils sont envoyĂ©s au Sud fait une grande diffĂ©rence, a dĂ©clarĂ© Niranjali Amerasinghe, directeur exĂ©cutif d’ActionAid USA. Au lieu de prendre la forme de prĂȘts privĂ©s, les fonds doivent ĂȘtre versĂ©s sous la forme d’argent public.

« Ce n’est pas en accordant davantage de prĂȘts Ă  des pays dĂ©jĂ  fortement endettĂ©s que l’on favorisera leur transition vers un avenir compatible avec le climat », a-t-elle dĂ©clarĂ©.

L’une des raisons pour lesquelles les prĂȘts sont contre-productifs est que les nations qui les acceptent sont obligĂ©es de fournir un retour sur investissement, et actuellement les principales industries qui offrent ce retour sont en fait les combustibles fossiles et l’agriculture industrielle.

Outre les fonds publics, l’annulation ou la restructuration de la dette et de nouvelles taxes pourraient Ă©galement aider ces pays dans leur transition Ă©cologique. Si des entreprises comme Exxon ou Bayer qui font des affaires dans les pays du Sud « Ă©taient taxĂ©es de maniĂšre Ă©quitable, cela permettrait Ă  ces gouvernements de gĂ©nĂ©rer des recettes publiques qui pourraient ĂȘtre utilisĂ©es pour soutenir l’action climatique », a dĂ©clarĂ© Amerasinghe.

Le rapport souligne notamment que l’agroĂ©cologie est une solution climatique qui devrait ĂȘtre financĂ©e dans les pays du Sud.

Mary Sakala, une petite agricultrice zambienne en premiÚre ligne, a expliqué lors de la conférence de presse comment la crise climatique et la politique agricole actuelle pÚsent sur sa communauté.

« Le changement climatique est une rĂ©alitĂ© en Zambie, a-t-elle dĂ©clarĂ©, ajoutant qu’il avait entraĂźnĂ© des inondations, des sĂ©cheresses, des parasites et des maladies qui font que les familles, Ă  l’heure oĂč je vous parle, dorment l’estomac vide. »

Mme Sakala voit un espoir dans l’agroĂ©cologie, qui contribuerait Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire et Ă  la rĂ©silience, et rendrait les agriculteurs moins dĂ©pendants du gouvernement et des grandes entreprises.

« Nous avons besoin de politiques qui nous permettent de conserver notre environnement d’une maniĂšre culturelle, pour nous aider Ă  produire notre nourriture », a dĂ©clarĂ© Sakala. « Nous voulons que chaque graine soit utilisĂ©e, conservĂ©e et partagĂ©e dans un esprit de solidaritĂ©. »

Selon elle, les entreprises et les gouvernements du Nord ont le devoir de les aider Ă  atteindre cet objectif.

« Ceux qui continuent Ă  polluer et Ă  laisser le changement climatique s’accentuer doivent nous payer, car nous souffrons de ce que font les autres », a-t-elle dĂ©clarĂ©.

Cet article a Ă©tĂ© reproduit par Truthout avec autorisation ou licence. Il ne peut ĂȘtre reproduit sous quelque forme que ce soit sans l’autorisation ou la licence de la source.

Olivia Rosane

Olivia Rosane est une Ă©crivaine et une militante qui vit Ă  New York. En plus d’avoir couvert Occupy Wall Street pour YES ! l’automne dernier, elle a Ă©crit pour le blog de Dissent et The State. Suivez-la sur Twitter @orosane.

Source : Truthout, Olivia Rosane, Common Dreams, 04-09-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

LES CRISES est un mĂ©dia spĂ©cialisĂ© dans l’information financiĂšre et la propagande de guerre. De part les sujets traitĂ©s, le gouvernement et ses oligarques ont dĂ©clarĂ© une vĂ©ritable guerre de dĂ©nigrement Ă  l’encontre de cette rĂ©daction.


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Publié le 19 Octobre Avril 2023 : https://www.les-crises.fr/les-grandes-banques-financent-le-chaos-climatique-dans-les-pays-du-sud/

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