Élites Françaises : pourquoi la collaboration ne les gênent pas – Jules Seyes

«Prends-les ! Je suis brave, mais tu es plus brave encore, et tu m’as vaincu» VERCINGÉTORIX (vers 72-46 av. J.C.), jetant ses armes aux pieds de César, fin septembre 52 av. J.C., à Alésia

La phrase est-elle véridique ? Nous l’ignorons, les sources sont romaines et nous devons leur accorder crédit. Toujours est-il que les Romains choisissent de présenter un Vercingétorix noble et puissant.

La victoire romaine sur la Gaulle fut suivie de plusieurs siècles de pax Romana.

Nous connaissons tous ces deux faits, issus du fameux roman national, mais percevons-nous à quel point il pèse, aujourd’hui encore sur notre vie politique ?

Du parti de l’Espagne, 1814 la reddition de Marmont, 1870 le sabotage de la défense républicaine, 1940, jamais la France n’eut de meilleur ennemi qu’elle-même. Les deux France, surtout une, n’ont pas eu de problème à régler les comptes sur le cadavre de l’intérêt national et notre subordination actuelle en est l’ultime soubresaut. Jusqu’au prochain rebond et bien sûr la trahison suivante. Il convient de maintenir les traditions.

Commençons par le second point, le français qui cède à une puissance étrangère s’attend à être reconnu et mis en valeur, comme un quasi-héro. César n’offrit-il pas à Vercingétorix une gloire, certes posthume (Vercingétorix fut étranglé à Rome après avoir défilé chargé de chaînes, mais réelle grâce à sa guerre des Gaules)

Certes, Vercingétorix n’a pas trahit, il a lutté du mieux de ses capacités et son échec est celui de l’appareil militaire gaulois. Pourtant, César avait intérêt à mettre son adversaire en valeur pour rehausser le prestige de son propre triomphe. Les Américains ont fait de même avec les Allemands, il valait mieux endosser le mythe du surhomme SS que de parler des difficultés opérationnelles de l’armée américaine durant la seconde guerre mondiale. C’est ainsi que nous trouvons encore chez nous des individus pour nous dire que si les Allemands commettaient des crimes, ils étaient des dieux de la guerre. Désolé, non, ce sont des loosers qui ont perdu deux conflits mal menés au plan stratégique. Les succès tactiques, fruit des efforts de combattants et des responsables subalternes ne doivent pas faire oublier le crime des erreurs de conception des officiers supérieurs allemands. (La république de Weimar, en s’alliant avec l’armée lui a évité cet examen de conscience, les anglo-saxons, toujours soucieux de se faire honneur se sont fait complices de l’imposture)

Le français qui trahit attend donc de son nouveau maître la caresse de remerciement et d’être mis sur un piédestal. Certes, mais alors soyez Vercingétorix ou au moins Talleyrand, car sinon, vous serez Macron et personne ne respecte les soumis sans valeur. Notre éternel ministre des Affaires étrangères su lui, au moins dominer le congrès de Vienne. Arrivé en vaincu, il faillit, n’eut été les cent jours[1] en repartir en vainqueur.

Donc, chez notre élite, ce côté bon élève enseigné par notre école se conjugue avec une espérance de récompense et si Vercingétorix s’est rendu, on retient surtout la mise en valeur par le vainqueur.

Hélas, aller faire le toutou à Berlin ou Washington est sûrement moralement moins exigeant que de crier « vive le Québec Libre », mais ça ne vous vaudra qu’une admiration frelatée.

Or, je parlais de Berlin les bonnes habitudes ne se perdent pas, nos dirigeants savent qu’à prendre les chemins bourbeux de la trahison et serrer des mains on peut se retrouver à Sigmaringen.

Instruit par une éducation nationale capable jusqu’à peu d’enseigner l’histoire, ou de se cultiver par eux-mêmes, ils devraient se souvenir de cette scène de 1945 où des prisonniers de la division Charlemagne furent conduits à Leclerc :

-Comment osez-vous porter un uniforme allemand ? Interrogea Leclerc.

-Vous portez bien un uniforme américain. Répliqua l’un des prisonniers.

On le constate, la mauvaise conscience est absente et probablement certains de ces gars avaient le sentiment de servir la France.

Car là est le second aspect. Si en Allemagne l’histoire se fonde sur Arminius qui a repoussé les légions. Elle n’a pas cette tradition du vaincu honoré. L’empire carolingien est pour eux le conquérant de la Gaulle depuis l’Allemagne. La civilisation romaine s’insinue grâce à une assimilation voulue par le vainqueur germanique, à l’instar d’une part de butin.

Pour la France, le statut est différent. La défaite ouvre la voie à la Gaulle Gallo-romaine ancêtre de la France moderne.

Dans les Michelet, il s’agit d’un progrès civilisationnel gigantesque, les gaulois arriérés se romanisent et accèdent à une civilisation sophistiquée. Peut-être, peut-on pratiquer les échelles des civilisations ? Remarquez tout de même que cette civilisation se limite aux classes supérieures et aux centres urbains : le reste de la Gaulle a continué à récolter son blé.

Et à quel prix ce « progrès » eut-il lieu ? On oublie ce que fut la conquête de la gaulle. Sur 10 millions d’habitants on estime que la guerre en a tué 1 million, et que les romains ont réduit un autre million en esclavage. Osez aujourd’hui parler d’un tel bilan humain dans un conflit et vous verrez les réactions. (Enfin, ça dépend où, si l’on en juge par notre silence médiatique sur le Congo, on pourrait là-bas s’y livrer.) Là encore, les profits sont pour une minorité favorisée et le peuple a payé la casse, l’histoire française est dessus d’une pudeur de violette.

Eh bien voilà, nos dirigeants, toujours prompt à nous faire avaler la potion amère pour garantir leur place et leurs profits s’imaginent qu’en trahissant, ils aideront au progrès de l’humanité (Selon leurs intérêts) et de la France.

Rien n’en est plus éloigné, certes après 1870 la France s’est relevée, mais ce fut dans le cadre d’un cycle mondial de prospérité.

Inutile donc de trahir, hélas, nous ne vous l’enseignerons pas. Il reste la solution Robespierriste : Puisque culturellement, par son histoire, le français est incapable de voir le mal dans la trahison alors, la loi doit, par sa rigueur, le lui enseigner.

Nous devons compenser l’absence ou la faiblesse de la réprobation sociale par des lois strictes et sans pitié. Sinon, nous ouvrons la voie à la répétition.


[1]     Auquel il avait œuvré en incitant à expédier, déjà, Napoléon à St-Héléne en violation des accords de 1814. Mais Talleyrand, fin politique réalisait que la politique royale se faisait nombre d’ennemis.


Jules Seyes

Jules Seyes (nom de plume), publie des livres et des articles dans plusieurs médias (Média 4-4-2, Donbass Insider, Observatoire de la Propagande). Contrôleur de gestion essentiellement dans les usines automobiles, cette expérience imprègne son analyse des questions productives et économiques, avec un soin particulier apporté à la technique et la rigueur des chiffres. Sa biographie

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