Éric Dupond-Moretti se paie les juges  !

“Il a franchi un pas qu’il n’aurait jamais dû franchir”

C’est avec ces mots que, mercredi 15 novembre 2023, Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, a justifié les réquisitions prises (un an de prison avec sursis) contre Éric Dupond-Moretti, 100 % coupable selon lui, de prise illégale d’intérêts, devant la Cour de justice de la République (1).

C’est la première fois qu’un ministre en exercice, qui plus est de la Justice, comparaît devant cette juridiction d’exception. Et c’est surtout la première fois que dans cette “blanchisserie”, l’accusation requiert une peine de prison contre le ministre qui y est jugé. Une peine de prison avec sursis, il ne faut tout de même pas exagérer !

La Cour de justice de la République a-t-elle été instituée pour que jamais, au grand jamais, un ministre ne puisse se retrouver en prison pour des délits commis dans l’exercice de ses fonctions ? Ceci même s’il est reconnu coupable de l’infraction pour laquelle il est poursuivie ?

Comment fonctionne la CJR ?

S’agissant de l’instruction d’un dossier, la tenue d’un procès et les réquisitions contre le ministre qui y comparaît, ce sont, comme pour toutes les autres juridictions, des magistrats qui s’y collent. Mais s’agissant de la décision de culpabilité ou non et de la peine prononcée ou pas par la cour, ce sont cette fois les petits copains politiciens qui s’y collent, plus exactement six députés élus par l’Assemblée nationale, et six sénateurs élus par la Chambre haute.

Exactement comme si des membres d’une mafia, accusés de crimes devant un tribunal, étaient jugés, non par un jury populaire composé de citoyens tirés au sort, mais par d’autres membres de cette mafia. Évidemment, en pareille occurrence, aucun d’eux ne serait condamné à quelque peine que ce soit.

Et tel est exactement le cas pour les membres du gouvernement qui ont comparu devant la CJR ou la Haute Cour de justice : tous ont bénéficié d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’une relaxe. Ainsi, Laurent Fabius, Premier ministre de François Mitterrand, « responsable mais pas coupable » dans l’affaire du sang contaminé.

Tous sont ressortis totalement blanchis (d’où le terme de blanchisserie utilisé plus haut).

Tous sauf une : Christine Lagarde.

Prise en flagrant délit dans l’arnaque dite“du tribunal arbitral” via lequel, durant son passage au ministère de l’Economie, elle a octroyé 453 millions d’euros à Bernard Tapie (pactole qui a été partagé entre tous les copains politiciens qui étaient dans le coup), Christine Lagarde a été reconnue coupable d’escroquerie en bande organisée par la Cour de justice de la République. Mais celle-ci a dispensé l’actuelle présidente de la BCE de peine…

Comme quoi l’expression employée par Coluche pour désigner ce que, selon lui, François Mitterrand a substitué à l’absolu principe républicain (“Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple”)et l’intérêt général, n’est pas trop éloignée de la réalité : “La ripoublique des copains.”

Histoire de bénéficier, comme Christine Lagarde, de la clémence des magistrats professionnels qui officient à la Cour de justice de la République, notamment celui qui allait requérir contre lui, voici ce qu’a fait notre garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, quelques semaines avant d’y comparaitre : il a augmenté TOUS LES MAGISTRATS DE FRANCE de 1000 euros brut par mois.

J’ai compté. Comme on compte en France 10500 magistrats, qu’offrir 1000 euros brut à un salarié coûte à l’employeur 2000 euros avec les charges et que, bien entendu, dans le cas des fonctionnaires de justice, ce sont les Français qui payent, l’assurance anti-condamnation que vient de souscrire à nos frais le ministre de la Justice nous coûte la bagatelle de 250 millions d’euros par an. Soit 1,25 milliard sur cinq ans.

Simple, non ? Pour emprunter cette fois, non pas à Coluche, mais à Emmanuel Macron la formule qu’il utilise après chaque attentat terroriste (“Et c’est donc par le plus grand des hasards que etc.”), premièrement, c’est une peine de prison AVEC SURSIS que le procureur a requis contre Dupond-Moretti et, deuxièmement, pour ce qui est de la peine complémentaire d’inéligibilité, il s’en est remis à “l’appréciation de la Cour”, comprenez : les petits copains politiciens de Dupond-Moretti.

Nul doute qu’”Acquittator” (surnom dont il fut affublé lorsqu’il officiait comme avocat) pourra encore exercer après son procès, même s’il est déclaré coupable !

Pour le reste : du blabla, une quantité astronomique de poudre de perlimpinpin jetée aux yeux des gogos pendant dix journées de mascarade. Pour le reste, je vous renvoie à l’excellent article de Catherine Fournier qui a été publié sur France Info à ce sujet.

(1) Un délit matérialisé par des enquêtes internes ordonnées en tant que ministre de la Justice, contre des magistrats avec lesquels M. Dupond-Moretti avait eu maille à partir dans des procès où il était l’avocat du prévenu…

Edito de – Xavier Azalbert pour France Soir

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Article : https://www.francesoir.fr/opinions-editos/eric-dupont-moretti-se-paie-les-juges

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