ENQUÊTE – Depuis plusieurs mois, FranceSoir enquête sur la “harcelosphère“ qui gravite autour de l’IHU Méditerranée dirigé par le Pr Raoult, mais aussi sur le rôle et le fonctionnement des organes de fact-checking qui ont décrété tout au long de la crise du Covid-19 quelle était la vraie de la fausse information. La présente investigation plonge dans les arcanes de la communauté des fact-checkers et s’intéresse plus spécifiquement au cas du site Fact & Furious, des pratiques douteuses de son fondateur, de son ascension aussi fulgurante que sa disparition, de son réseau opaque et tentaculaire.
La confiance de la population française dans ses médias d’information est au plus bas niveau : seuls 26% des Français déclarent avoir confiance dans les médias mainstream, selon un sondage MIS Group réalisé pour FranceSoir et BonSens.org en novembre 2020. L’onde de choc sur les réseaux sociaux suscitée par la nouvelle de la fermeture soudaine du site Internet de Fact & Furious ce 26 novembre 2022, en amont de la parution de cette enquête, risque de ne rien arranger. Présenté dans la presse comme un « média indépendant de fact-checking », ce site controversé et son directeur, le sulfureux Antoine Daoust, ancien militaire de 39 ans reconverti à l’occasion de la crise du Covid-19 en chasseur « de complotistes et d’anti-vax », sont au cœur de la tourmente depuis les premières révélations de Malika Daoust, son épouse, mardi 22 novembre sur la chaine YouTube d’Idriss Aberkane
Violences conjugales, coups et blessures aggravés sur mineur, menaces de morts, mercenariat, manipulation de l’information pour le compte de commanditaires, falsification de tests PCR, déboire judiciaire… loin de l’image médiatique de l’homme honnête, désintéressé et désireux de déjouer les contrevérités, c’est un tout autre portrait d’Antoine Daoust que brosse sa femme : « Un homme violent, menteur et manipulateur, même auprès de sa famille ». Un récit accablant dont cette mère de famille a initialement voulu faire part à l’Agence-France presse qui, d’après son témoignage, a couvert l’affaire de façon à protéger le fact-checker revendiqué.
Cette affaire révèle un scandale qui vient jeter un pavé dans la mare des réseaux étroits et coordonnés du fact-checking, ébranlant ainsi une crédibilité déjà bien entamée.
De l’information vraie au blanchiment de fausses informations
Les Décodeurs du Monde, Checknews de Libération, l’AFP Factuel, Fakes Off de 20 Minutes, Les Observateurs de France 24… ces dernières années, les rubriques de fact-checking ayant vocation à prétendument rétablir « la vérité » et lutter contre les fausses informations se sont multipliés. Dans un monde au sein duquel règne une profusion d’informations, parfois vraies, parfois fausses, une rubrique qui permet de faire le tri peut, sur le principe, s’avérer un outil d’orientation utile.
En revanche, puisque l’information émane de la presse publique et privée, dont l’indépendance est souvent l’objet de critiques – dépendance aux actionnaires, à l’État, à un parti pris idéologique : les raisons ne manquent pas – un média indépendant et autonome en charge de sa vérification semble, en dehors de la vérification par d’autres pairs, l’un des moyens les plus légitimes pour acquérir aux yeux du grand public une crédibilité en la matière.
Comme le rappelait Fabrice Fries, PDG de l’AFP, lors de la cinquième édition de Médias en Seine mardi 22 novembre, à laquelle FranceSoir était présent : « Le fact-checking est souvent confondu avec la vérification. Or, la vérification, c’est quelque chose de très différent. C’est quelque chose que tous les médias sont censés faire : vérifier avant de publier son propre contenu. Le fact-checking porte sur des contenus de tiers et qui sont déjà publiés. C’est très différent. »
C’est dans ce contexte qu’intervient Fact & Furious, un site Internet décrit dans la plupart des médias comme un « site indépendant de fact-checking », dont les publications ont été régulièrement reprises par divers organismes de presse aussi bien en France qu’à l’étranger. Un site de vérification des faits apparu soudainement dans le paysage médiatique dont l’ascension sera aussi rapide qu’étrange. Après avoir obtenu rapidement un certificat IPG délivré par le ministère de la Culture, lui octroyant un statut de site « d’information politique et générale », le site a décroché un prestigieux contrat de collaboration avec l’Agence France Presse dans le but de collaborer à la lutte contre la désinformation.
Au cœur de l’enquête sur Fact & Furious
Quel était le rôle de Fact & Furious ? Vérifier loyalement des informations publiées par des tiers ou bien « blanchir » de fausses informations ? Et qui est vraiment Antoine Daoust, le propriétaire du site ? Que se cache-t-il derrière l’ascension fulgurante de Fact & Furious ?
Cette investigation de plusieurs mois menée par FranceSoir et puis plus récemment par l’essayiste Idriss Aberkane, révèle un scandale de nature à ébranler la crédibilité et la probité du système médiatique français.
Lanceuse d’alerte, Mme Daoust a décidé de sortir du silence en prenant contact avec FranceSoir, certains membres de l’association BonSens.org (depuis mars 2022) et Idriss Aberkane dans le but « de dévoiler à tout le monde qui est Antoine Daoust » et quelle est la « vraie vérité » derrière la création de Fact & Furious, organe qui détient un contrat de collaboration avec l’AFP et de supposés liens étroits avec Rudy Reichstadt, directeur de ConspiracyWatch, ou bien encore Tristan Mendès France, membre de l’observatoire du conspirationnisme.
Censurée par les fact-checkeurs, cette mère de famille rapporte également les violences (psychologiques et physiques) dont elle et sa fille ont été victimes sous la coupe de son mari, et des coups et blessures aggravés qui font aujourd’hui l’objet d’une plainte. Cette situation est devenue suffisamment préoccupante pour attirer l’attention immédiate du président de la République, Emmanuel Macron…
Dessinatrice en bâtiment et vendeuse en magasin de prêt-à-porter, Malika Daoust nous a confiés son dur calvaire, qu’elle estime avoir été étouffé par les journalistes appartenant à la « communauté des fact-checkers ». Pendant longtemps, apeurée mais aussi animée par un illusoire espoir de le voir changer, elle n’a pas voulu parler : « La majorité des femmes battues, comme moi, ne font rien… malheureusement ». Ce n’est que le 16 novembre que cette mère trouvera le courage de déposer une plainte contre son mari pour coups et blessures aggravés envers elle et sa fille de 12 ans.
Rappelons que « les violences conjugales sont punies par la loi, qu’elles visent un homme ou une femme, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles. Il s’agit des violences commises au sein des couples mariés, pacsés ou en union libre. Si vous êtes victime et que vous signalez les faits, vous pouvez être aidé et protégé. Vous pouvez bénéficier de l’aide et de la protection quelle que soit votre nationalité et quelle que soit la durée de votre séjour en France. »
Mme Daoust rapporte avoir été la cible de violences conjugales à plusieurs reprises, comme ce 23 mars 2022 : « Je me suis enfui de la voiture. Il m’a rattrapée, m’a fait une balayette, s’est mis sur moi et m’a rouée de coups. Il m’a porté plusieurs coups de poings et des coups de pieds. Suite à ça, la police est intervenue, ainsi que le SAMU, et j’ai été transportée aux urgences de la clinique du Sidobre », peut-on lire dans son dépôt de plainte. Résultat : une incapacité totale de travailler (ITT) de six jours. FranceSoir a pu consulter le certificat médical qui atteste des séquelles de Mme Daoust. Nous le reproduisons ci-dessous.
Encore attachée à son mari, Mme Daoust décidait « de lui donner une nouvelle chance pour notre couple et pour sa fille », poursuit la mère de famille dans sa plainte, dans laquelle elle précise que son mari s’en est également pris à son intégrité physique par le passé, de même qu’à celle de sa fille, qui a elle aussi déposé plainte contre Antoine Daoust.
Des coups qui se seraient plus tard ensuivis de menaces de mort : « Le 23 mars 2022, il s’en va. À ma sortie de l’hôpital, je commence à tweeter, à mettre ses fausses ordonnances sur les réseaux sociaux. Le 25 mars, il se repointe au domicile [ndlr : pour parler des prises de contact de Mme Daoust auprès l’AFP – voir ci-après). On se parle, on se pardonne, j’efface tout ce que j’ai écrit sur mon mur. Le 17 avril, rebelote [nouveaux faits de violences qui déboucheront sur une ITT de 4 jours]. Le 24 avril, il s’en va définitivement de la maison, en me menaçant de mort, en me disant “si je reste, je te tue“ ». M. Daoust aurait ensuite rejoint une autre femme, sa maitresse.
Ce dernier n’en est pas à ses premiers faits de violence. Alors militaire, il aurait été condamné pénalement à une peine de prison avec sursis pour séquestration en bande organisée.