« GreenWashing » : L’écoblanchiment à l’européenne

Le soi-disant greenwashing ou écoblanchiment, une expression devenue courante ces dernières années, a conduit le Parlement européen à travailler sur un projet de directive concernant les allégations écologiques. ©FranceSoir.fr

Le Parlement européen travaille sur une directive de propositions ou allégations vertes, qui revient dans les faits à diffuser des informations manipulées pour se donner blanc seing et aller jusqu’à créer des brevets. L’UE est impliquée dans des opérations ayant un impact environnemental dévastateur : des incitations à l’agriculture intensive et à la consommation excessive de carburant. 

Le prétendu greenwashing ou écoblanchiment, une expression devenue courante ces dernières années, a conduit le Parlement européen à travailler sur un projet de directive concernant les allégations écologiques. En pratique, cela consiste à offrir des informations manipulées ou réductrices pour habiller un produit, une organisation ou une marque, de qualités telles que l’écologie, le bio, l’éco-durabilité, le zéro impact, etc. Par exemple, les fabricants de véhicules électriques mettent l’accent sur le “zéro émission », comme si la production d’une Tesla faisait partie de la solution et non du problème. Bien sûr, ceux qui la conduisent en ville n’émettent pas de CO2, mais ceux qui extraient du lithium et d’autres métaux rares pour créer des batteries, très difficiles à recycler produisent des impacts sociaux et environnementaux gigantesques. 

La pratique idéologique connue sous le nom de greenwashing et la lutte contre celle-ci se sont particulièrement répandues à l’ère néolibérale face au postulat selon lequel des consommateurs bien informés seraient capables de faire des choix vertueux capables d’entraîner le capitalisme vers son destin grandiose et progressiste. Selon le Parlement européen, qui fait un usage intensif des statistiques communicatives, une pratique consistant à partager des données de manière biaisée pour faire avancer une thèse toute faite, 86% des consommateurs européens souhaiteraient en savoir plus sur l’impact environnemental des produits, en particulier sur leur durabilité. C’est pourquoi une réforme de la directive sur les pratiques commerciales déloyales visant à réglementer les allégations écologiques est toujours en cours et dans les dernières étapes d’un parcours législatif. Avec la proposition de réforme de la responsabilité civile pour les dommages causés par les produits, inchangée et insuffisante depuis 1985, ainsi que les différentes réglementations sur les exigences « vertes » pour les bâtiments, qui à partir de 2030 imposeront des charges très lourdes aux propriétaires accompagnées de règles d’inaliénabilité absolue qui ne sont pas respectées, la directive sur le greenwashing est un pilier de l’agenda 20-30.  

L’observateur critique ne peut s’empêcher d’être perplexe devant un tel zèle écologique de la part d’une Europe engagée dans des opérations qui, indépendamment de toute considération morale, ont un impact dévastateur sur les écosystèmes et la vie. Il suffit de penser à l’approvisionnement en armes et en munitions sur les théâtres de guerre, qui libèrent de l’uranium appauvri et d’autres agents toxiques mortels ; la consommation excessive de carburant pour les navires de guerre et les avions (comme les ultra-technologiques que Leonardo (second groupe industriel italien) a récemment transférés à l’armée israélienne) ; l’augmentation continue des seuils de tolérance des émissions électromagnétiques ; les avantages et les incitations accordées aux agriculteurs pratiquant l’élevage intensif qui fournissent de la viande aux chaînes de type Mc Donald’s ; Il existe diverses stratégies pour autoriser et imposer effectivement aux agriculteurs européens l’usage des pesticides et les OGM produits par des multinationales toutes-puissantes comme Bayer (qui a acheté le tristement célèbre Monsanto). On pourrait dire, avec humour (noir), que la directive sur les propositions vertes est à son tour une opération de greenwashing des institutions européennes face aux écocides continus dont elles sont au moins témoins.  

Après tout, le concept même de développement durable, qui imprègne la structure institutionnelle européenne depuis Maastricht, contient le germe de l’écoblanchiment

Personnellement, j’ai commencé à réfléchir au potentiel du greenwashing, comme moyen d’adapter le capitalisme parasitaire à l’évolution de la conscience publique de la catastrophe écologique qu’il engendre, quand Draghi a fait un virage « vert » dans la réforme constitutionnelle des articles 9 (paysage/environnement) et 41 (initiative économique privée). Tout à coup, l’environnement et les générations futures ont trouvé leur place dans notre Constitution, ce qui aurait dû réjouir ceux qui, comme moi, travaillent depuis des années à introduire les biens communs et les générations futures au cœur de notre droit civil, ceci dans l’optique de freiner la privatisation débridée, selon la classification de la Commission Rodotà de 2007. Cependant, passer par-dessus le droit codifié (celui qui lie réellement les personnes privées) au profit de la constitution constitue un nouveau Greenwashing en la matière, non seulement inutile mais aussi néfaste. En effet, le Conseil d’Etat, dans son arrêt 8167 de 2022, utilise le greenwashing Draghiste, sans se soucier de quoi que ce soit, afin d’autoriser les ravages écologiques du capitalisme vert, du photovoltaïque au sol, aux éoliennes omniprésentes, en passant par les biocarburants et les usines de captage du carbone.  

En réalité, cette stratégie ne se limite pas au vert, mais constitue un phénomène plus large de désorientation de l’opposition ou dissidence qui devrait être étudié en profondeur dans ses aspects économiques, sociaux et juridiques. Par exemple, les franges les plus radicales du mouvement étudiant qui s’attaquent au soi-disant patriarcat (un autre terme qui devrait être utilisé après un examen critique sérieux) dénoncent le soi-disant « pinkwashing » lavage rose récemment rendu célèbre et quelque peu ridicule par le statut exclusivement féminin de l’université de Trente où j’ai enseigné de 1985 à 1997 ! 

Le greenwashing, (l’écoblanchiment) est en fait une stratégie de capture (au sens de la théorie de la capture de la régulation) d’idées, de concepts et d’institutions qui sont nés comme radicalement critiques et contre-culturels, mais qui connaissent le triste sort d’être incorporés et instrumentalisés dans le processus imparable de l’accumulation du capital. Parmi les notions politico-juridiques les plus affectées ou victimes de ce processus figurent les biens communs, créées pour exclure du marché des catégories entières de biens (par exemple, l’eau) et réduits à des réglementations bureaucratiques pour convaincre quelques associations privées de peindre des bancs ou de s’occuper de parterres de fleurs, sous le regard approbateur d’un conseil municipal qui en même temps prêche la participation et pratique l’exclusion.  

Un autre exemple est ce que l’on appelle la b.corporation, née dans les cercles américains de l’écologie profonde comme une proposition radicale de gouvernance démocratique et inclusive de l’économie. Sous la forme d’une société à but lucratif, elle a été réduite à une opération purement cosmétique, présentant comme une nouveauté bénéfique, ce qui devrait être le comportement physiologique de toute entreprise saine (au sens de ne pas être nuisible !). Plus récemment, la cooptation de la contre-hégémonie est facilitée par la technologie.  

Par exemple, la notion de domaine public dans la propriété intellectuelle, autrefois cheval de bataille de la pensée contre-hégémonique dans l’économie politique du droit, est aujourd’hui soutenue par les géants de la big tech qui trouvent ainsi de riches réservoirs d’informations libres bien exploitables dans leurs produits de surveillance. Enfin, c’est le principe de transparence des données dans l’administration publique et surtout dans le secteur de la santé qui est capturé, car les données transparentes sont parfaites pour enseigner l’intelligence artificielle. 

Dans la société du spectacle, écrivait Guy Debord, le vrai devient faux et le faux vrai. Le secret généralisé se cache derrière cette cacophonie. Dans la société dans laquelle nous vivons, la vraie denrée rare et le vrai bien commun, c’est la connaissance critique. 

 Ugo Mattei pour France-Soir – Traduit de l’italien par France-Soir

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Article : https://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/greenwahsing-l-ecoblanchiment-l-europeenne

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