« Qui est Maxime Vivas, ce Français qui dénonce des « fake news » sur les Ouïghours et fait le bonheur de Pékin ? » s’interroge Laurence Defranoux en titre d’un long article dans Libération du 30 mars 2021 (1).
En réponse dans son récent livre, (Ouïghours, l’horreur était dans nos médias, Editions Delga, mars 2024), l’interpellé soutient que Libération fait le bonheur de Washington en diffusant des “fake news”, bonheur redoublé quand sa journaliste choisit Raphaël Glucksman comme préfacier pour son propre livre (2).
Maxime Vivas ne se contente pas de répondre à ce média. Beaucoup, de droite et de gauche, l’ont férocement rossé, parfois insulté, parfois menacé pour son premier livre sur les Ouïghours (Ouïghours. Pour en finir avec les fake news, Editions La Route de la soie, Paris, décembre 2020). La tendance générale dans le PAF était de tronquer, truquer, modifier ses dires pour mieux en montrer l’inanité. On sent bien, dans ses réponses, une sourde colère (contenue) et un mépris (affiché).
En fait, dans Ouïghours, l’horreur était dans nos médias, 286 pages musclées, impertinentes et souvent teintées d’humour caustique, l’auteur répond au Vivas bashing politico-médiatique dans une quatrième partie de l’ouvrage dont les trois premières sont :
– Où de prestigieux intellectuels démontrent méticuleusement qu’il n’y a pas de génocide (3).
– Comment lutter contre le terrorisme en France, en Chine, partout ailleurs ?
– Le constat du Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU au Xinjiang.
Nos journalistes géo-stationnaires autour de la Tour Eiffel
Son livre est un ouvrage ultra-documenté, celui d’un auteur français qui est le seul à s’être rendu trois fois au Xinjiang (4). Ce qui lui permet d’ironiser sur les virils aventuriers-mocassins moquette, les exploratrices talons-aiguilles-foulard-Hermès qui se documentent autour de la machine à café du bout du couloir dans Paris Intramuros et qui nous recrachent ce qu’ils et elles viennent d’apprendre en ses lieux moquettés (en résumé : « Salauds de Chinois ! »,« Saloperie de machine à café ! »).
Or, l’auteur répertorie les « sources » des informations dont nous abreuvent les médias depuis des années : « Sauf erreur improbable, les « lanceurs d’alerte » qui ont mis en branle nos médias et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU sont tous liés idéologiquement, politiquement, voire organiquement et financièrement aux États-Unis d’Amérique ».
Libération reproche à Maxime Vivas ses œillères. Accusation osée, visant un journaliste français qui étudie ce dossier depuis des années par tous les moyens possibles : lecture des arguments des Chinois, lecture des arguments (pléthoriques et répétitifs) des antichinois, trois enquêtes sur place. D’où une vision latérale unique dans le PAF et supérieure à leur vision fovéale étroite confinée dans une lorgnette made in USA.
Son livre commence par un bref listage des attaques qu’il a subies. C’est une annonce de ce qu’on y lira par la suite, en réfutation des mensonges et par ses contre-attaques personnalisées et impitoyables en vertu du principe qu’il énonce et qui lui servira de leitmotiv : « Pour monter au mât, il vaut mieux avoir le derrière du pantalon propre ».
Voici les toutes premières pages de son livre :
« MESSAGE À NOS MÉDIAS
Vous affirmez que je suis « un idiot utile » (Frédéric Lemaître, Le Monde), « d’extrême gauche » (Nathalie Guibert, Le Monde), tandis que je suis d’extrême droite (Éric Simon, Charlie Hebdo) et un « dingo » qui nie l’existence de « camps de rééducation pour les Ouïghours » (Laure Daussy, Charlie Hebdo). Vous essayez de me faire dire qu’« il ne se passe rien de particulier au Xinjiang » (Elhia Pascal-Heilmann, Arrêt sur images), que « tout ce qui est dit sur le Xinjiang est faux » (Antoine Bondaz, Fondation pour la recherche stratégique). Vous certifiez que, porteur d’« œillères », j’épouse « sans réserve le récit colonialiste de Pékin » (Laurence Defranoux, Libération), que je suis un « négationniste » quant au Xinjiang (Nathalie Loiseau, ancienne ministre, tweet), un « confusionniste et propagandiste chinois » (Léa Polverini, Slate.fr), un nazi (« rouge-brun ») qui « nie les attentats contre les twin towers » (Tristan Mendès France, Twitter, France Inter, Conspiracy Watch). Vous avez contraint un hebdomadaire littéraire à me censurer, vous soutenez que « je suis bien payé » par le Parti communiste chinois et vous hésitez à me traîner devant les tribunaux « pour l’instant » (Dilnur Reyhan, Institut ouïghour d’Europe). Vous me refusez un droit de réponse après m’avoir mis en cause, vous prétendez que « le martyre des Ouïghours » est une « réalité maintes fois démontrée » et que, pour la nier, j’ai bénéficié d’un « droit de suite sur nombre de canaux, notamment chinois… » (Thibault Sans, Le Média). Vous me rangez dans un « cheptel » qui diffuse « les éléments de langage de Xi Jinping » (Benjamin Jung, Blast).
À vous et à d’autres, je vais rappeler ci-après ce que j’ai vraiment écrit sur le Xinjiang dans mon livre Ouïghours. Pour en finir avec les fake news (décembre 2020, éditions La Route de la soie, Paris) et je le compare à vos divagations que contredisent, depuis des années, des intellectuels étrangers mondialement reconnus, et même le « rapport » publié le 31 août 2022 par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU après son enquête au Xinjiang, où l’on cherchera vainement les mots « génocide, esclavage dans les champs de coton, camps de concentration, prélèvements d’organes, persécution de la religion, éradication de la culture et de la langue ouïghoures », accusations terribles qui sont votre fonds de commerce pro-atlantiste et un prétexte à aboyer en bande organisée contre la Chine et à me dire traître à mon pays. J’invite Jacques Charon et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (Institut de recherches stratégiques de l’École militaire, IRSEM) à réfléchir à ce qu’ils ont fait en livrant à l’OTAN et au Pentagone une version anglaise de leur enquête antichinoise où mon nom apparaît 61 fois et ma photo 8 fois.
Avec mon voisin gascon Cyrano de Bergerac je vous préviens, perce-bedaines, coupe-jarrets, trotte-menu et pisse-copie, que je « n’abdique pas l’honneur d’être une cible ». Mieux : je vais rappeler ce que vous avez écrit et dit sur le « génocide » et sur moi ; je vais révéler comment vous caillassez la vérité et ceux qui la protègent. À mon tour, j’ai enquêté sur vous. J’ai découvert que vous êtes montés au mât sans avoir le derrière du pantalon propre. Vous n’allez pas aimer ».
Vivas wanted dead or alive ?
Plus loin (page 161), l’auteur revient sur la version anglaise de l’enquête de l’Institut de Recherches Stratégiques de l’École Militaire : « Si j’étais craintif, parano ou complotiste, si je ne savais pas que le Pentagone et la CIA (surtout la CIA) sont des organismes moraux, pacifistes, non violents, légalistes, incapables de mauvais coups dans l’ombre, je dirais que l’IRSEM m’a désigné à des tueurs ».
Et là, on comprend qu’en insistant ainsi sur sa mise en cause incongrue (il est le nom le plus cité dans l’enquête de l’armée) il se fabrique un bouclier (5), d’autant plus que deux autres personnes qui ont écrit sur le Xinjiang sans médire ont été obligées de disparaître du paysage :
– Christian Mestre, professeur à la Faculté de droit de Strasbourg et ancien président, a été contraint de démissionner de la fonction de déontologue de l’Eurométropole de Strasbourg en février 2021 pour des propos qu’il a tenus sur la politique menée au Xinjiang en 2019.
– La journaliste Laurène Beaumond (pseudonyme), au coeur d’une polémique lancée par Le Monde (qui prétendait qu’elle était une invention de la télé chinoise) déclare craindre pour sa sécurité et celle de sa famille. Elle s’est mise en retrait, a fermé son compte Twitter qui était à son vrai nom.
Les scoops dans le livre
L’auteur nous régale avec deux scoops sidérants (si vous préférez : deux informations exclusives). Cela se passe à l’université coranique d’Urumqi (oui, on étudie le Coran au Xinjiang, et même à l’université ) où le mollah lui montre la chaise où s’était assise en mai 2022 Michelle Bachelet, Haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU. L’auteur y voit la même chose qu’elle et il comprend mieux sa Déclaration du 28 mai 2022 en Chine, Déclaration que vous avez peu de chance de lire dans son intégralité ailleurs que dans le livre de Vivas qui en fait une analyse pointue, irréfutable et… jouissive.
Par ailleurs le rapport publié par l’ONU le 31 août 2022, 13 minutes avant la fin du mandat de quatre ans de Michelle Bachelet présente des nombreuses curiosités :
– Alors que le français est une des deux langues officielles de l’ONU, le document n’existe qu’en anglais.
– Ce n’est pas un rapport (report) mais une simple évaluation (assessment).
– Il n’est pas signé par Michelle Bachelet (6) ni par quiconque.
– Les demandes multiples faites par Vivas pour obtenir le nom des auteurs ont été vaines.
– L’ONU a rompu tout dialogue avec lui quand il a précisé (sur demande) qu’il travaille pour Le Grand Soir et qu’il écrit un livre sur les Ouïghours (7).
– Le document de l’ONU ne comporte pas les mots « génocide, esclavage dans les champs de coton, camps de concentration, prélèvements d’organes, persécution de la religion, éradication de la culture et de la langue ouïghoures », accusations terribles qui sont le fonds de commerce pro-atlantiste de nos médias et un prétexte à aboyer en bande organisée contre la Chine et à dire que le citoyen Vivas est un félon, vendu à une puissance étrangère.
Le 29 mars 2023, le chercheur sinologue Antoine Bondaz planchait à l’Assemblée nationale devant la « Commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d’intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d’opinion, des dirigeants ou des partis politiques français » (sic). La cible était la Chine. La séance a eu lieu à huis clos, chose rarissime (c’est-à-dire qu’elle n’a pas été filmée). Une partie de son audition va mettre Vivas en vedette (il en parlera longuement dans son livre), son nom est souvent cité. A l’occasion, Bondaz prétend que Vivas, s’il n’est probablement pas payé par les Chinois, publie « De nombreuses fausses informations ». Par exemple il prétendrait que la presse parle « de 3 millions de morts » ouïghours. Pur mensonge dont l’auteur se défend. Dans une région de 12,5 millions de Ouïghours où les familles comptent souvent 2, 3 enfants (voire plus, la région n’a jamais été soumise à la politique de l’enfant unique), la mort de 3 millions d’hommes équivaudrait à la quasi disparition des adultes mâles, capables de procréer. Pourtant, révèle Maxime Vivas : « Les données de l’Annuaire des statistiques du Xinjiang en 2019 indiquent que, de 1978 à 2018, la population ouïghoure du Xinjiang est passée de 5,55 millions à 11,68 millions d’habitants. Combien de pays dans le monde ont vu leur population doubler en 40 ans ?
Les journalistes s’auto-intoxiquent à se lire entre eux. C’est la fameuse « circulation circulaire de l’information » de Pierre Bourdieu. Aussi, l’auteur croit-il bon de rappeler qu’il n’est pas membre du Parti communiste chinois (ni d’aucun parti, d’ailleurs) et qu’il n’a pas de modèle (page 181) : « Quant à ma dévotion pour la Chine, je dois, une fois de plus, la définir ainsi : la Chine n’est pas pour moi un modèle. Je ne souhaite pas l’importation en France du système politique,économique, policier, militaire, financier, judiciaire, syndical, scolaire,médiatique, etc., chinois. Il est le fruit (adapté à des nécessités et à une culture) de l’Histoire de la Chine. Nous serions mal inspirés de vouloir l’adopter et pareillement de vouloir lui imposer le nôtre ».
Les dernières, lignes du livre de Vivas sont un fier et ironique pied de nez. Lisons :
« Bande de censeurs, bonsoir !
Ô « élite » de ce pays, dès 1960 vous m’avez hissé jusqu’en haut d’un mât pour que chacun voie le fond de mon pantalon […]. Vous m’attendiez à ma descente en distribuant des pierres à vos affidés et en braillant : « Regardez, un idiot utile, un propagandiste chinois, un gauchiste, un négationniste, un conspirationniste, un complotiste, un dingo, un nazi, un relais d’opinion corrompu, un traître à son pays. » « Passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet », disait Courteline. Sauf que mes imbéciles arment de plus idiots, lesquels, s’ils n’ont pas inventé la poudre, n’étaient pas loin quand ça a pété. Les secoués sont dangereux, surtout si on leur a présenté la cible des dizaines de fois, avec 8 photos à l’appui. Par bonheur, un ami connaisseur du proverbe : « Donne un cheval à l’homme qui a dit la vérité, il en aura besoin pour s’enfuir » avait sellé un pur-sang sur lequel j’ai sauté. Injures, imprécations, calomnies, menaces, s’écrasent sur sa croupe, rebondissent sur ses fers sans atteindre mes oreilles qui les ont déjà bien trop entendues.
Et, dans le village où je vis désormais près de Toulouse après m’être hardiment exfiltré de Paris intramuros, j’entretiens un grand jardin potager (souvent en compagnie de rouges-gorges amicaux, plus rarement de biches craintives qu’un bond gracieux emporte) entre une allée de platanes majestueux et un vallon au fond duquel se blottit un bois à sangliers, avec la chaîne des Pyrénées à l’horizon, si proche à l’œil par temps clair qu’on croit pouvoir la toucher, sachez que, de votre fiel, de vous, de ce que vous avez dit, de ce que vous direz, je me contrefous ».
« Ouïghours, l’horreur était dans nos médias Editions Delga, mars 2024.
Un lire, à commander en librairie si vous n’y trouvez en rayon que des livres de bobards sur le Xinjiang (Le libraire peut effectuer la commande par DILICOM. ), ou a commander vous-même à l’éditeur : https://editionsdelga.fr/comment-commander/
Vincent MORET
Notes
1- Le patron de Libération, Patrick Drahi, est de nationalité française, portugaise, israélienne, marocaine… et il est résident Suisse.
2- Les Ouïghours, histoire d’un peuple sacrifié, Éditions Tallandier, septembre 2022).
3- De plusieurs pays, dont les Etats-Unis, mais AUCUN Français, hélas !
4- A une exception : la journaliste de Libération y est allé… en 1997 !
5-Preuve que, s’il ne cède rien, il n’est pas inconscient (ni tranquille ?), il va revenir encore à la fin du livre sur la menace qui le désigne « aux uniformes états-uniens » en le présentant pour « cible des dizaines de fois, avec 8 photos à l’appui ».
6-Militante du mouvement de la Jeunesse socialiste au Chili dans les années 1970, Michelle Bachelet a été emprisonnée et torturée, avec sa mère, sous la dictature d’Augusto Pinochet. Son père est mort sous la torture en 1974. Michelle Bachelet a été élue deux fois présidente du Chili. Même si le bilan final de son enquête au Xinjiang a irrité les Chinois, Maxime Vivas se garde de l’accabler. Au contraire, il note que Michelle Bachelet, surmédiatisée dès l’annonce de sa mission en Chine et pendant, a disparu des radars dès la sortie de l’assessment. Et nos médias de ne pas s’en étonner. Et nos médias de ne pas se disputer l’honneur de la faire parler. Et nos journalistes de préférer oublier qu’elle s’est rendue au Xinjiang où, sans avoir tout vu, elle en a peut-être vu plus qu’eux.
7- L’auteur insinue que l’édition in extremis du document de l’ONU s’explique par des dissensions internes au Haut-commissariat et que l’ONU a « tordu le bras » de la Haut-commissaire dont les propos à Beijing, le 28 mai 2022, sont en contradiction avec la tonalité hostile de l’assessment produit le 31 août.
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