Propagande : l’industrie du gaz a minimisé les risques pour la santé des cuisinières à gaz pendant des décennies

Une nouvelle enquête confirme qu’ils se sont inspirés des méthodes de l’industrie du tabac.

Un tiers des cuisines américaines sont équipées de cuisinières à gaz, et les preuves s’accumulent sur la pollution des maisons par des produits chimiques toxiques. Une étude réalisée cet été a montré que l’utilisation d’un seul brûleur de cuisinière à gaz à puissance élevée peut augmenter les niveaux de benzène cancérigène supérieurs à ce qui a été observé dans le cas du tabagisme passif.

Il s’avère que les cuisinières à gaz ont beaucoup plus en commun avec les cigarettes. Une nouvelle enquête menée par NPR [National Public Radio, principal réseau de radiodiffusion non commercial et de service public des États-Unis, NdT] et le Climate Investigations Center a révélé que l’industrie du gaz a tenté de minimiser les risques pour la santé des cuisinières à gaz pendant des décennies, en recourant aux mêmes tactiques de relations publiques que celles utilisées par l’industrie du tabac pour dissimuler les risques liés au tabagisme. Les compagnies de gaz ont même engagé les mêmes entreprises de relations publiques et les mêmes scientifiques que les cigarettiers.

Il a été conseillé aux compagnies de gaz de « mettre en place des programmes de relations publiques massifs, cohérents et à long terme ».

Au début de l’année, une enquête de DeSmog a montré que l’industrie avait compris les dangers des appareils à gaz dès les années 1970 et qu’elle avait caché ce qu’elle savait au public. Les nouveaux documents expliquent en détail comment les compagnies de gaz et les groupes commerciaux ont occulté les données scientifiques relatives à ces risques pour la santé afin de vendre davantage de cuisinières à gaz et d’éviter les réglementations : des tactiques toujours en vigueur aujourd’hui.

L’enquête intervient dans un contexte de guerre culturelle autour des cuisinières à gaz. Des villes dans tout le pays ont interdit les raccordements au gaz naturel dans les nouvelles constructions, et la commission fédérale de la sécurité des produits de consommation étudie les risques qu’ils présentent pour la santé. La commission a déclaré qu’elle n’envisageait pas d’interdire totalement les cuisinières à gaz, après que l’évocation de cette idée a suscité une levée de boucliers en décembre dernier. Le même mois, une étude évaluée par des pairs a révélé que près de 13 % des cas d’asthme chez les enfants aux États-Unis étaient liés à l’utilisation de cuisinières à gaz. Mais l’American Gas Association, le principal groupe de pression de l’industrie, a affirmé que ces résultats « n’étaient pas étayés par des données scientifiques solides » et que le simple fait d’évoquer un lien avec l’asthme était « imprudent. »

Selon l’enquête la plus récente, cette stratégie remonte à 1972. Cette année-là, l’industrie du gaz a reçu les conseils de Richard Darrow, qui a contribué à créer la controverse autour des effets du tabagisme sur la santé en tant que responsable des questions relatives au tabac au sein de la société de relations publiques Hill + Knowlton. Lors d’une conférence de l’American Gas Association, Darrow a expliqué aux compagnies d’électricité qu’elles devaient répondre aux affirmations selon lesquelles les appareils à gaz polluaient les habitations et façonner le discours autour de la question avant que les critiques n’en aient l’occasion. Les scientifiques commençaient à découvrir que l’exposition au dioxyde d’azote – un polluant émis par les cuisinières à gaz – était liée à des maladies respiratoires. Darrow a donc conseillé aux compagnies de « mettre en place les programmes de relations publiques massifs, cohérents et à long terme nécessaires pour faire face aux problèmes ».

L’American Gas Association a également engagé des chercheurs pour mener des études apparemment indépendantes. Parmi eux figurait Ralph Mitchell, des laboratoires Battelle, qui avait également été financé par Philip Morris et le Cigar Research Council. En 1974, l’équipe de Mitchell, utilisant une technique d’analyse controversée, a examiné la littérature sur les poêles à gaz et a déclaré qu’elle n’avait trouvé aucune preuve significative que les poêles provoquaient des maladies respiratoires. En 1981, un document financé par le Gas Research Institute et réalisé par la société de conseil Arthur D. Little – également affiliée à l’industrie du tabac – a examiné la recherche et conclu que les preuves étaient « incomplètes et contradictoires. »

Quatre études de l’EPA sur la pollution par le dioxyde d’azote dans les années 1980 ont été financées par l’industrie gazière.

Ces études n’ont pas seulement semé la confusion dans l’esprit du public, mais aussi dans celui du gouvernement fédéral. Lorsque l’Agence de protection de l’environnement (EPA) a évalué les effets de la pollution par le dioxyde d’azote sur la santé en 1982, elle a inclus dans son examen cinq études qui n’apportaient aucune preuve de problèmes, dont quatre étaient financées par l’industrie gazière, comme l’a récemment révélé le Climate Investigations Center. L’EPA, qui cherchait à savoir si elle devait renforcer les normes relatives au dioxyde d’azote à l’extérieur, a demandé que des recherches supplémentaires soient menées afin de réduire les « incertitudes » concernant les effets sur la santé, et n’a renforcé les normes que plus d’un quart de siècle plus tard.

Aujourd’hui, alors que l’opinion publique commence à se détourner des cuisinières à gaz, les services de relations publiques continuent de déployer des techniques qui reflètent celles de l’industrie du tabac. L’année dernière, l’industrie du gaz a engagé une toxicologue pour témoigner lors d’une audition publique sur les cuisinières à gaz dans le comté de Multnomah, dans l’Oregon. Julie Goodman a remis en question les recherches sur les effets des cuisinières sur la santé et a cité une étude montrant qu’il y avait peu de raisons de s’inquiéter, mais elle n’a pas mentionné qu’elle avait été engagée par la compagnie de gaz locale NW Natural. Julie Goodman a déclaré à NPR qu’il s’agissait de son propre point de vue et que les scientifiques n’étaient pas nécessairement influencés par leur source de financement.

En réponse au rapport de NPR et du Climate Investigations Center, Karen Harbert, PDG de l’American Gas Association, a reconnu que l’industrie du gaz avait « collaboré » avec des chercheurs pour « informer et éduquer les régulateurs sur la sécurité des appareils de cuisson au gaz ». Harbert a affirmé que la science disponible « ne fournit pas de preuves suffisantes ou cohérentes démontrant les risques chroniques pour la santé des cuisinières à gaz naturel » – une phrase qui devrait maintenant vous sembler familière.

Source : Mother Jones, Kate Yoder, 20-10-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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